Liminaire GT Protection fonctionnelle
Il a malheureusement fallu attendre plusieurs évènements dramatiques pour que l’État prenne non seulement la mesure des risques qu’encourent parfois certains fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, mais au-delà, respecte l’obligation de protection qui est la sienne.
Il a également fallu attendre ces évènements dramatiques pour qu’enfin des réponses à la hauteur des enjeux soient apportées face aux menaces et violences de toutes sortes exercées à leur encontre des agentes et des agents.
Le premier évènement récent a été l’assassinat de Samuel Paty. La circulaire du 2 novembre 2020 visant à renforcer la protection des agents publics face aux attaques dont ils font l’objet dans le cadre de leurs fonctions a souligné l’importance du rôle de l’ensemble de la chaîne hiérarchique dans le signalement et la remontée des menaces proférées à l’encontre des agents. Elle menace même de sanctions disciplinaires les responsables hiérarchiques qui manifesteraient une volonté délibérée d'occulter ou de minimiser les faits.
Il a ensuite fallu l’assassinat de Ludovic Montuelle pour qu’à la DGFIP soit affirmé le principe de la tolérance zéro à l’égard des menaces, violences ou injures perpétrées à l’égard des agentes et des agents. Cette prise de conscience, la tonalité et le contenu des notes que vous nous avez adressées hier soir vont assurément dans le bon sens.
Pourtant disons-le clairement, à la DGFIP certaines directions locales ont souvent traîné les pieds, pour signaler au parquet des menaces ou injures proférées à l’encontre d’agentes ou agents des finances publiques, au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale. Il a fallu toute la pugnacité de représentants syndicaux locaux en CHSCT, pour exiger de ces mêmes directions, des suites aux faits relatés dans les fiches de signalement examinées dans ces instances. Oui nous avons régulièrement rencontré des attitudes visant à minimiser les faits…
A ce sujet, vous envoyez un bien mauvais signal en essayant délibérément de cour-circuiter les représentants de la FS dans l’analyse des fiches de signalement.
Quelle sera l’intérêt d’examiner une synthèse décontextualisée des fiches de signalement en fin d’année, des mois après les faits, pour agir précisément sur la prévention, la sécurité et les conditions de travail des agentes et des agents ? Alors que vous auriez pu vous appuyer sur les membres de la FS, vous cherchez une nouvelle fois à minimiser le rôle des représentants du personnel.
Nous ne cesserons de le dire. L’examen au fil de l’eau des fiches de signalement par les représentants de la FS est la meilleure manière d’aiguillonner les directions pour s’assurer qu’elles donnent des suites adaptées à ces dernières. Cette exigence de transparence vous la devez aux personnels. Qu’avez-vous à redouter si vous avez l’assurance que les directions assurent correctement leur obligation de protection ?
Pour contextualiser le sujet de nos discussions aujourd’hui l’examen de la synthèse annuelle des fiches de signalement est utile. Mais au même titre que la nouvelle procédure de signalement et de son applicatif, elle devra faire l’objet d’une discussion au sein de la formation spécialisée directionnelle. Aux termes de l’article 57 du décret du 20 novembre 2020 relatif aux attributions du CSA, la Formation spécialisée est consultée sur la teneur de tous documents se rattachant à sa mission, et notamment des règlements et des consignes que l’administration envisage d’adopter en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.
Vous abordez ensuite l’annonce d’un plan d’action gouvernemental et une modification législative qui permettrait à l’administration de porter plainte en lieu et place de l’agent. Nous attendrons de prendre connaissance des modalités du dispositif pour nous prononcer mais cette idée va dans le sens d’une meilleure protection des agentes et des agents.
Vous faites par ailleurs état d’une prise en compte systématique des plaintes des agents de la fonction publique par le parquet. Est-ce à dire qu’il aurait une nouvelle exception au principe de l’opportunité des poursuites, ou une simple consigne générale au titre de la politique pénale de porter une attention particulière aux plaintes portées par les fonctionnaires ?
Sans attendre le nouveau texte, le bon sens commanderait d’abord que les directions locales prennent systématiquement l’attache des parquets pour les sensibiliser sur la nécessité d’apporter une réponse au comportement de certains usagers.
Abordons maintenant les manques et angles mort de la fiche sans prétendre être exhaustif
Il ne s’agit pas ici de remettre en cause la qualité technique des documents qui nous sont proposés dans le cadre de ce GT qui tranche avec l’indigence des fiches que nous recevons trop souvent mais d’évoquer des sujets essentiels.
La protection fonctionnelle est, dans les documents, principalement abordée sous l’angle d’une agression ou d’une mise en cause extérieure. Mais l’obligation de protection de l’employeur s’étend au-delà. Le déploiement de la protection fonctionnelle au profit de l’agent se justifie s’il est victime d'une infraction dans l'exercice de ses fonctions. La note évoque le harcèlement moral et les discriminations mais omet le harcèlement sexuel. À aucun moment, vous ne prévoyez une adaptation de la procédure quand l’auteur présumé des faits relève de la hiérarchie de la victime dans l’exercice de ses fonctions. Faut-il attendre le dépôt d’une plainte au pénal pour que la situation soit prise en compte par l’administration ?
Pour Solidaires Finances Publiques une mention expresse de cette situation doit figurer dans les notes aux réseaux pour envoyer un signal fort, la tolérance zéro, à l’égard de ces comportements en particulier des harcèlements moral et sexuel. Comment articuler la protection fonctionnelle de la victime et de l’auteur présumé ? Même si nous considérons qu’un harcèlement moral avéré est nécessairement une faute personnelle, et donc exclut le bénéfice de la protection fonctionnelle, la qualification de la faute intervient a posteriori. Quelle est la doctrine de la DGFIP à cet égard ?
D’une manière générale la question des incidents graves relevant de qualifications pénales entre agents mérite d’être évoquée.
La procédure de traitement de la fiche de signalement doit ensuite d’être explicitée. Il est écrit : Cette fiche est adressée ensuite à l’assistant de prévention. Si les faits exposés dans la fiche sont susceptibles de revêtir une qualification juridique, l'assistant de prévention la transmet au référent protection juridique de la direction qui saisit le bureau Affaires juridiques et contentieux conformément au protocole d’analyse et de traitement des incidents et au moyen d’une fiche de signalement des agressions contre les agents dûment complétée.
Apprécier la qualification juridique d’un fait, c’est déjà une démarche juridique. Comment l’assistant de prévention procède à cette appréciation, avec quels outils et quelle formation ? Dans la procédure le référent juridique a un simple rôle de relais et l’assistant de prévention un rôle décisionnel.
La dénonciation d’évènements graves, ensuite, dont un agent aurait connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui serait susceptible de lui porter préjudice implique d’aborder l’articulation entre protection fonctionnelle et alerte éthique. Les deux champs, bien que distincts, sont susceptibles de se recouper. Où en est la DGFIP dans la mise en œuvre du dispositif d’alerte issue de la loi du 21 mars 2022 ?
Nous reviendrons sur toutes ces questions lors des débats.